Frédéric Lamory, non-voyant: «J’ai toujours voulu être chanteur» - VLAN Bruxelles

Il l'a dit, il l'a fait. Et aujourd'hui, ce dernier sort son deuxième album intitulé "Son métier d'homme". Son job à lui : être chanteur populaire. Rencontre avec Frédéric Lamory, un Bruxellois de 45 ans pour qui la cécité n'a jamais été un frein à sa passion.

Il ne passe pas souvent sur les ondes, et pourtant, celui-ci mérite qu’on lui prête une oreille attentive. Lui, c’est Frédéric Lamory. Fort d’une première belle expérience, le Bruxellois de 45 ans sort un nouvel album: «Son métier d’homme». Rencontre avec celui qui a toujours dit qu'il deviendrait chanteur populaire.

Retour en arrière. Les années septante fourmillent d'artistes en tous genres. Non-voyant de naissance, le petit Frédéric se passionne pour la musique. "J'avais quatre ans à l'époque. je me suis très vite intéressé à la variété. Mon passe-temps favori, c'était d'écouter la radio. Je me souviens des hit-parades et des chansons populaires. J'adorais ça", se remémore-t-il.
C’était dit. Le jeune garçon n’allait plus lâcher les mélodies. Ce dernier entre à l'école des aveugles à Bruxelles et apprend parallèlement le solfège en braille.
«On jouait tout le temps de la musique classique. Et moi, je n’étais pas tellement attiré par ça car, à la maison, on écoutait davantage les chansons populaires. Je préférais jouer les artistes de l’époque plutôt que les compositeurs classiques», avoue-t-il.

A l’adolescence, son truc, c’était «Hello» de Lionel Richie. Bref, aux antipodes des «Quatre saisons» de Vivaldi.
Ce tube résonne comme une madeleine de Proust pour notre chanteur. «Je me revois l’entonner dans la salle paroissiale de Rhode-Saint-Genèse. Je m’en souviens comme si c’était hier. C’était en novembre 1984. J’avais treize ans. Il y avait une centaine de personnes issues du club de jeunes. Et le public était très enthousiaste», dit-il l’excitation dans la voix.
Son premier concert. Un succès. Pour Frédéric, c’était devenu une certitude. Jamais, il ne quittera la scène.

Pourtant, ado, ce dernier décide d’entreprendre des études supérieures. «Si j’ai toujours été mordu de musique, je désirais ardemment faire des études. Ainsi, à 16 ans, j’ai quitté l’enseignement spécial pour rejoindre l’école ordinaire où j’ai réussi mes humanités. J’ai alors étudié à l’Isti à Uccle, en traduction écrite Anglais-Italien. Je retranscrivais tous mes cours en braille. Mais après deux ans, le boulot devenait trop fastidieux. A l’époque, l’informatique n’était pas encore au point pour les non-voyants».

Finies les langues, place à une carrière dans la chanson. «J’ai commencé à jouer dans les pianos-bars de la capitale. J’ y ai même rencontré Lara Fabian», remarque-t-il.

En 1998, les téléspectateurs le découvrent dans une émission de Rtl-Tvi. «Je participais à ‘Star ce soir’, un concours de sosie. Je m’étais glissé dans la peau de Gilbert Montagné et je chantais le hit ‘On va s’aimer’». Une chanson qu’il aime  et qu’il maîtrise jusqu’au bout des doigts avec son piano. 

Ne lui dites plus qu’il est le Gilbert Montagné belge

Du coup, pour beaucoup de personnes, Frédéric Lamory est devenu le «Gilbert Montagné belge». Un raccourci qui flatte et qui ennuie quelque peu. Paradoxal? Il s’explique: «Je suis très content qu’on me compare à Gilbert Montagné. J’apprécie le chanteur. Mais aujourd’hui, à 45 ans, j’aspire à ce que l’on me reconnaisse en tant qu’artiste à part entière. J’ai un style et un univers musical bien à moi. J’espère qu’on me considèrera comme Frederic Lamory et non pas comme une version belge de Gilbert Montagné».

D’autant plus que sur sa dernière galette, le Français n’apparaît pas comme une influence. «Les gens qui ont écouté mon deuxième album disent qu’il y a un peu de Pascal Obispo. Je prends ça comme un compliment étant donné que j’aime l’artiste au même titre que Calogéro, dont je suis fan, notamment pour ses mélodies sensibles, ou encore Jean-Jacques Goldman».

Et chez nous? «J’aime beaucoup Jacques Brel. Et actuellement, j’adore Stromae, le Brel moderne. Ses textes sont superbes».

Justement, côté composition, comment se déroule le travail d’écriture des chansons? «J’écris les musiques. Je cherche les accords  avec mon piano. Je les enregistre avec mon dictaphone. A l’aide d’un ordinateur adapté, c’est à dire avec synthèse vocale et clavier en braille, je retranscris les paroles. Enfin, je travaille avec mon ami et parolier Hervé Jacque. On discute ensemble des sujets que l’on souhaite aborder, de notre propre vécu, de ce que l’on entend à la radio etc. Par exemple sur ce CD, j’aborde des thèmes comme le temps qui passe, l’amour qui peut surprendre n’importe quand, de l’amitié etc. J’ai même une chanson humoristique sur les Français de Belgique», sourit-il.

article VLAN 2014.

Avec ce deuxième album, Frédéric espère pouvoir élargir son public. «J’aimerais bénéficier d’une plus grande diffusion en radio. Sans être prétentieux, je crois avoir réuni plusieurs conditions pour réaliser un album qui sonne actuel. Le problème, c’est que les radios passent rarement des artistes qui n’ont pas signé dans l’une des grandes firmes du disque. Quant à ces dernières, elles se montrent frileuses. Les labels ne prennent plus d’artistes dans leur catalogue car le marché du disque se porte mal à cause du téléchargement».

En attendant un éventuel passage sur les ondes, les esgourdes curieuses sont invitées à découvrir l’artiste sur son site internet: www.fredericlamory.be

Thibaut VAN DER NOOT - VLAN Bruxelles 6 Nº2541 ED3 - 10/09/2014